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William Kentridge, Houghton, Johannesburg, South Africa, 2014/05/28

La Sibyl ultra-stylisée de William Kentridge enflamme le Châtelet

Artiste plasticien et metteur en scène d’opéra, William Kentridge propose la première parisienne de Sibyl au Théâtre du Châtelet, une installation spectaculaire, à la fois musicale et cinématographique.

Créé en 2019 à l’Opéra de Rome, Waiting for the Sibyl est un opéra en 6 actes qui sont autant de tableaux scéniques, chantés, dansés et scénographiés. Entre chaque tableau, le rideau imprimé de coupures de journaux ou de papiers découpés s’anime grâce à des projections. Les oracles, des phrases affirmatives en anglais, souvent absurdes, forment le livret muet de ce récit mélodique à plusieurs voix en anglais, zulu, xhosa, sesotho et ndebele, les langues de l’Afrique du Sud dont l’artiste est originaire.

Pour ce spectacle, William Kentridge explore dans une mise en scène ultra-stylisée les oracles de la sibylle de Cumes. Elle déposait les réponses aux questions des citoyens sur des feuilles à l’entrée de sa grotte. Chaque fois que quelqu’un s’en approchait pour connaître la réponse à sa question, les feuilles étaient balayées et mélangées par un coup de vent. Cette histoire est prétexte à une scénographie animée où les feuilles s’emmêlent et se superposent, faite d’une succession de tableaux vivants mêlant projection, performance, chant et danse.

Dans certaines scènes, on retrouve l’inspiration des premiers dessins de l’artiste, de ses posters et des affiches de théâtre qu’il a produit en Afrique du Sud. Mais c’est surtout sa maîtrise de l’image animée et de la mise en scène, au service de laquelle il met en jeu la caméra, le fusain, la musique et la danse qui impressionne. Avant qu’il ne s’empare du champ du spectacle vivant, rappelons que la puissance et la force plastique de son imaginaire a ouvert les portes des biennales et des plus grands musées du monde à cet homme-orchestre de génie.

Pour cette production internationale, il s’est entouré d’une équipe talentueuse de co-créateurs. Le compositeur Kyle Sheperd est au piano pendant tout le spectacle, dirigeant les merveilleux chanteurs sud-africains menés par Nhlanhla Mahlangu. Deux danseuses et six chanteurs complètent en effet la distribution pour un ensemble aux voix envoûtantes d’hommes et de femmes allant de la tessiture la plus grave à la plus aigüe.

Avec Waiting for the Sibyl, William Kentridge voulait créer quelque chose qui ait aussi un sens de la rotation, de la révolution, et de la légèreté inspirée du sculpteur Calder. On retrouve à plusieurs reprises dans le spectacle, et notamment dans les éléments de costume, les formes géométriques colorées comme échappées de ses sculptures, ce qui accentue la stylisation de la mise en scène, rappelant parfois le travail de Bob Wilson.

Cet opéra de chambre est précédé d’un film muet d’une vingtaine de minutes, The Moment Has Gone, accompagné en live par Kyle Shepherd au piano et un chœur sud-africain entièrement masculin. Il intègre City Deep, le dernier film de la série Soho Eckstein de Kentridge, et des séquences où il est en train de créer l’œuvre. Le film permet de mieux rentrer dans la mécanique de création de William Kentridge, qui part le plus souvent d’un dessin au fusain, pour se déployer vers l’image animée, la musique et la performance. Une vertigineuse et virtuose mise en abîme pour l’artiste et scénographe, très inspiré.

 

La Rédaction

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