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Avec la sculptrice Laetitia Ky, le cheveu se fait politique

Mannequin et actrice, cette Ivoirienne sculpte ses cheveux et en poste les photos sur Internet pour dénoncer les inégalités de genre et célébrer la beauté noire. Portrait d’une activiste à l’occasion de la sortie de son ouvrage “Love & Justice” ce 8 mars 2023.

lle est suivie par des millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, a signé un contrat avec la célèbre agence de mannequins Elite, participé à la Biennale de Venise l’été dernier et décroché un rôle principal dans le nouveau film du cinéaste italien Giacomo Abbruzzese. Tout ça grâce à ses cheveux. En l’espace de six ans, Laetitia Ky s’est hissée au rang d’icône féministe. À l’aide d’extensions, de laines, de câbles et de fils, elle coiffe ses propres cheveux pour en faire des œuvres d’art militantes.

À l’origine de cette singulière façon de se coiffer, une volonté de mettre en avant son savoir-faire sur les cheveux crépus et de les célébrer. « La beauté a toujours été à la fois une passion et un combat personnel. » Pour l’artiste ivoirienne de 27 ans, il s’agissait de se réconcilier avec son héritage africain et de combattre l’injonction esthétique du cheveux lisse, venue d’Europe : « C’était un acte radical, quand on sait à quel point la suprématie occidentale est ancrée dans la culture africaine. »

Artiste capillaire

Une sculpture représentant un homme soulevant la jupe d’une femme, pour dénoncer le viol, une autre en forme de couronne, en hommage aux coiffures traditionnelles africaines, ou encore le visage d’un enfant qui pleure, pour évoquer l’inceste. Toutes ces masses capillaires se dressent avec éloquence sur la tête de Laetitia Ky pour matérialiser sa colère, ses réflexions, ses combats pour l’égalité hommes-femmes.

Le regard fier, le poing levé, les cheveux défiant la gravité. Laetitia Ky partage les clichés de ses coiffures sur la Toile avec pour objectif d’inspirer les femmes et notamment les petites filles africaines. Les nombreux retours d’internautes témoignent de la portée symbolique de ses œuvres capillaires : « Je suis touchée par les commentaires des femmes noires qui me disent qu’avant elles détestaient leurs cheveux, mais que mon travail leur a permis de se voir différemment. Une fois, l’une d’elles m’a raconté qu’elle avait convaincu sa petite fille de 5 ans de renoncer au lissage en lui montrant mes photos. Cela m’est allé droit au cœur. »

Ces victoires, Laetitia Ky les relate dans son premier livre, Love & Justice. Une aventure artistique, féministe et engagée. Il paraît ce 8 mars, en écho à la Journée internationale des droits des femmes. Composé de 135 photographies de ses coiffures, l’ouvrage est agrémenté de témoignages et d’analyses de l’autrice sur sa lutte contre le sexisme et le racisme.

La jeune femme s’y livre sur son parcours scolaire, de l’obtention de son baccalauréat à 15 ans à l’abandon de ses études de commerce, à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire), pour se consacrer au mannequinat. Mais aussi sur la manière dont elle a surmonté des troubles boulimiques et anorexiques développés à l’adolescence. De même qu’elle alerte sur les méfaits des crèmes éclaircissantes et fustige l’excision, cette mutilation génitale prohibée par l’OMS mais encore pratiquée sur certaines petites filles dans de nombreux pays africains.

Si cet ouvrage est simple en apparence, son fond, plus complexe, est à méditer. Au fil des 224 pages, Laetitia Ky développe l’idée selon laquelle les femmes africaines ne pourront s’affranchir de leur image qu’à condition d’apprendre, en premier lieu, à aimer toutes les caractéristiques consubstantielles à leur phénotype (couleur de peau, texture des cheveux, traits du visage). L’artiste capillaire en est persuadée : c’est en se reconnectant à leurs racines africaines qu’elles s’ouvriront au féminisme. « Je ne saurais imaginer une meilleure voie vers l’amour et la justice. »

 

La Rédaction

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