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Mory Sacko explique le Mosuke : la cuisine d’un Français d’origine africaine

Il a marqué la saison 2020 de Top Chef par son audace et sa créativité. Mory Sacko va ouvrir son propre restaurant à Paris à la rentrée. Après avoir passé deux ans dans les cuisines du Royal Monceau, et quatre ans auprès de son mentor Thierry Marx, le jeune homme va voler de ses propres ailes. Son établissement se situera dans le XIVe arrondissement de la capitale, en lieu et place du Cobéa de Philippe Bélissent et Jérôme Cobou, indique le site d’actualité. Il y proposera une cuisine aux multiples influences. Il nous parle Dragon Ball Z, étoile au Michelin et ascension sociale.

Il a épaté le jury avec son « Œuf façon carbonara sans pâtes, crème acidulée au cumin », goûté des yeux de poisson, associé la sauce terryiaki et le chocolat… Mory Sacko, sympathique candidat de la dernière saison de Top Chef, ouvre à la rentrée son premier restaurant, « MoSuke », dans le 14e arrondissement à Paris.

Un nom qui associe son prénom au nom de l’unique samouraï noir de l’histoire du Japon, Yasuke, pour un restaurant qui marie les passions du jeune chef de 27 ans pour la gastronomie et le Japon. Il nous parle de ce projet, du Japon, bien sûr, mais aussi de son expérience dans Top Chef.

Qu’est-ce que l’émission Top Chef vous a apporté?

Je m’y suis fait des amis, mes compères de l’équipe violette, Justine, Gianmarco et Adrien avec qui on se voit régulièrement, on se fait des bouffes, on boit des verres. On a un groupe sur What’sApp, on s’envoie des textos, des photos. On est devenus un groupe de potes, c’est génial. La rencontre avec le chef Paul Pairet a aussi été pour moi une belle surprise. Il est stupéfiant d’humanité et de simplicité. Sa cuisine est hyper compliquée, mais l’homme est très simple. Et puis, on gagne plusieurs années sur notre compréhension de la manière de construire un plat, d’aborder une assiette, en étant confronté à plein de chefs différents en très peu de temps. D’un point de vue technique, j’ai beaucoup progressé là-dessus.

Quel est le concept de MoSuke?

J’essaie d’inventer quelque chose. C’est très excitant. Je veux essayer de construire une cuisine qui soit totalement nouvelle. L’Afrique, la France, le Japon, c’est le reflet de ce que je suis: c’est la cuisine d’un Français d’origine africaine, passionné par le Japon. C’est juste moi, le mélange ne sort pas de nulle part.

Vous visez une étoile au Michelin…

Oui, c’est une chose à laquelle j’aspire. Pour moi c’est une motivation supplémentaire, pas une pression. Je n’ai travaillé que dans des restaurants gastronomiques, donc c’est dans la continuité de ce que j’ai toujours fait. Et puis j’ai besoin de me fixer de hautes ambitions. Pour moi, l’étoile serait le signe que le guide adhère à notre concept totalement. La cuisine que je propose est assez neuve, et avoir cette approbation d’un guide qui fait « juge de paix » dans la gastronomie, c’est la reconnaissance qu’il y a une vraie proposition culinaire. Plus qu’un besoin de reconnaissance, c’est un besoin de validation de mon projet, pour pouvoir être plus libre par la suite et me dire que je pars dans la bonne direction.

Comment avez-vous découvert l’histoire de Yasuke, le samouraï venu d’Afrique, qui inspire le nom de votre restaurant?

Ca fait plus d’un an que je travaille sur le concept du restaurant, et je cherchais les ponts entre l’Afrique et le Japon. Je suis tombé sur son histoire par hasard, en surfant sur Internet. Je me suis dit « ça matche totalement avec ce que je suis en train de construire d’un point de vue culinaire ». C’est une histoire triste au début, celle d’un esclave déporté depuis le Mozambique, qui passe par l’Inde et qui retrouve au Japon. C’est une histoire magnifique. Il s’est totalement adapté au Japon, jusqu’à atteindre l’une des castes sociales les plus élevées.

D’où vient votre intérêt pour le Japon?

Comme tous les enfants, je regardais les mangas – d’ailleurs j’en regarde toujours! Et comme je suis curieux, j’ai cherché à en savoir plus sur le mode de vie, la culture japonaise. Tout ce que je découvrais me plaisait beaucoup. Et puis, de par mon métier, ça s’est plus porté sur la cuisine et j’ai cherché à acquérir beaucoup de savoir sur cette cuisine japonaise.

Vous regardez quoi comme mangas ?

Les garçons regardent les mêmes mangas toute leur vie (il rit). Moi j’ai commencé avec Dragon Ball Z et je regarde encore! Avant, je regardais Conan le barbare, maintenant je regarde Naruto. C’est un univers que j’adore, et où on s’évade assez facilement. Il y a pas mal de plats dans les mangas, qu’on a envie de goûter, puis après on les déguste au fur à mesure. Il y a même un manga qui est un concours de cuisine, comme un Top Chef manga, assez marrant à voir, ça s’appelle Food Wars.

Avez-vous toujours rêvé de devenir chef?

J’ai une histoire assez différente de la classique histoire du chef. Enfant, j’étais plus passionné de foot que de gastronomie. Je suis issu d’une famille africaine traditionnelle: ma mère, c’est la mama africaine classique et la cuisine c’était son territoire. Donc je n’ai pas de souvenirs de gâteaux le dimanche, avec ma grand-mère, ma mère. J’aimais beaucoup manger mais je ne cuisinais pas du tout. La cuisine, je suis tombée dedans en troisième. On m’a dit « Mory, il faut que tu choisisses ce que tu veux faire. soit tu vas en [filière] générale, soit tu te professionnalises ». Je me suis souvenu des reportages à la télé le dimanche soir, sur l’univers des palaces, des hôtels et je « bloquais » toujours sur la partie en cuisine. J’ai décidé de tenter ma chance et de me lancer en cuisine. Par chance, lors des travaux pratiques, je me suis rendu compte que j’avais l’air plutôt doué pour ça, donc ça motive.

Avez-vous déjà été confronté au racisme, dans le milieu de la gastronomie?

Je n’ai jamais subi le racisme en cuisine. On ne m’a jamais fait ressentir qu’être noir, c’est quelque chose de différent. Au contraire, la cuisine, pour moi c’est un des rares métiers qui offre une ascension dans l’échelle sociale. Moi qui suis fils d’ouvrier, j’ai pu, à 25 ans accéder à un poste de cadre et à un meilleur niveau de vie. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de métiers qui offrent cette chance à des jeunes et à des gens de toutes origines. La cuisine c’est un formidable milieu où il y a énormément de nationalités différentes. Il y a un melting pot dans les cuisines qui fait que le racisme y a difficilement sa place. C’est vrai qu’il y a peu de chefs noirs. Mais je pense qu’il y a toute une jeune garde, dont je suis issu, qui est en train de monter et qui a des ambitions gastronomique et envie de changer ce rapport à la cuisine africaine.

La Rédaction (avec Magali Rangin)

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