Chargé du portefeuille de la Culture au Tchad depuis février 2017, le cinéaste Mahamat-Saleh Haroun est venu à Paris pour participer à la promotion d’Une saison en France. L’occasion pour lui d’évoquer ce long-métrage poignant sur le sort des migrants et son choix politique.
Une saison en France, le nouveau film du tchadien Mahamat-Saleh Haroun, sort cette semaine sur les écrans français. Ayant accepté, l’année dernière, de devenir le ministre de la Culture du Tchad, le réalisateur d’Un homme qui crie, prix du jury du festival de Cannes en 2010, explique son choix. Sans faux-semblants. Ce n’était ni pensé ni choisi, c’est arrivé tout à coup. Le président m’a appelé pour me proposer ce poste. En me demandant de l’aider, ce qui m’a touché. J’ai répondu que j’étais d’accord sur le principe, mais que je voulais réfléchir un peu. Puis j’ai rapidement accepté, en précisant que je voudrais avoir la possibilité de finir mon film Une saison en France.
J’ai donc pu achever la postproduction. Je me devais d’accepter. J’ai eu une vie d’exilé, et la création était en quelque sorte ma maison, la seule maison possible pour disposer d’une sorte de territoire mental. Mais au Tchad je suis un peu considéré comme l’aîné. Tous, les jeunes surtout, voulaient que je fasse quelque chose pour eux. Je me suis dit que comme ministre je pourrais agir, dans un esprit complètement tchadien et africain où l’aîné a des responsabilités.
Le Premier ministre m’a tout de suite dit qu’il avait compris que je n’avais pas l’intention de faire carrière en politique, donc qu’il ne fallait pas lâcher mon métier de cinéaste. « Même pendant que vous serez ministre, vous pourrez faire un film si vous le voulez, pour ne pas être coupé du monde du cinéma », m’a-t‑il dit. J’ai gardé cela en tête, bien sûr. J’ai d’ailleurs un projet de film fantastique l’histoire d’un revenant, qui se passera au Tchad et que j’espère tourner d’ici un à deux ans.
e comprends ce que vous dites. Mais, comme je viens de le dire, j’ai pris les choses par un autre bout : comment venir en aide aux jeunes, les former au cinéma grâce à une nouvelle école, leur donner des moyens pour qu’ils puissent raconter des histoires, nous éclairer, parler du Tchad en termes cinématographiques. Mon destin personnel n’est pas important. Le désert après Haroun, je n’aimerais pas voir ça !
Mais d’autres auraient peut-être pu devenir ministre alors que le Tchad n’a qu’un seul cinéaste reconnu…C’est vrai, mais en réalité le poste n’a jamais été occupé, je crois, par des personnes particulièrement sensibles à la culture. La communauté artistique du Tchad s’est déclarée très heureuse de ma nomination. On n’est pas nombreux à pouvoir mener une politique culturelle.
Et ce que j’avais dans la tête, en me décidant, c’est la conscience de l’immigré, celle du simple petit immigré de base qui fait la plonge en France et renvoie une partie de l’argent qu’il gagne pour que d’autres puissent s’en sortir, pour aider la génération à venir. Quand on vous a proposé le poste,votre dernier film était un documentaire sur l’horreur qu’a connue le Tchad sous Hissène Habré, dont le bras armé était Idriss Déby Itno.
Quand j’ai tourné mon documentaire, j’ai rencontré et interrogé beaucoup de victimes ainsi que des militants qui les soutiennent. Et à aucun moment ils ne m’ont dit avoir eu affaire, de près ou de loin, à Idriss Déby. Je n’ai donc aucune raison de m’ériger en justicier ou en père-la-morale. D’autant que je vois ce qui a été fait depuis que Déby est au pouvoir. On peut s’exprimer aujourd’hui, regardez la presse.