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Dix ans après, le retour de Saintrick

Après dix ans loin de la scène musicale, Saintrick revient avec My Time, l’album de la maturité et du partage. Une sortie d’album suivie d’un retour sur scène à Rabat à l’occasion du festival Visa for music.

« Je suis enfin de retour ». Après dix ans loin du paysage musical, Saintrick Maytoukou revient avec My time, « Mon temps ». Un cinquième album de douze titres qui raconte la vie de l’artiste, ses combats et ses amours, l’occasion de rendre hommage à ses pères spirituels et à ses mentors.

Chapeau sur la tête, longues dread locks, petite barbe blanche et grand sourire jovial, Saintrick nous reçoit au Palais Tazi à Rabat où se rassemblent les artistes du festival Visa for music auquel il participe avec une double casquette : celle d’artiste avec son groupe les Tchelly et de formateur d’ingénieurs du son.

Né le 11 mai 1968 à Brazzaville, Patrick Joël Mayitoukou est « le plus sénégalais des Congolais », dit-il. L’artiste a passé toute une partie de son enfance à Dakar où il s’installe avec sa famille en 1973. Il y restera dix ans, mais c’est à la mort de son père, en 1983, qu’il revient à Brazzaville et que la musique entre dans sa vie.

Sa carrière professionnelle débute en 1988 avec la création de son groupe de toujours, les Tchelly. Leur identité musicale est un mélange de mbalax, très écouté au Sénégal, et de rythmes du Congo. Fusion entre musiques africaines et paroles engagées, voilà la marque de fabrique de Saintrick. « Je veux participer à la construction de nos nations, de notre continent. Je suis très panafricain tout en restant très congolais et aujourd’hui, sénégalais également. Quand ça ne va pas, il faut le dire ». Ses textes critiques dénonçant les maux de la société finissent par lui valoir des menaces de mort, ce qui l’oblige à quitter Brazzaville en 1999. Il revient alors au pays de la Teranga pour ne plus jamais le quitter.

Au début des années 2010, après quatre albums et de nombreux succès mondiaux, Saintrick fait une pause. « Pendant quelques années, j’ai disparu du paysage musical pour des raisons familiales mais aussi professionnelles. J’ai pris du recul parce que je voulais revenir avec quelque chose de différent. »

Ce quelque chose de différent c’est My time, son cinquième album, qu’il joue dès le lendemain de sa sortie, le 18 novembre 2022, à Rabat. « Être sur scène en programmation officielle de Visa for music est une aubaine », confie-t-il. Travailler sur ce nouvel album lui a pris huit années de studio et pratiquement deux années de préparation pour sa sortie.

L’album de la maturité

My time est plus qu’un titre, c’est un concept. D’ailleurs, aucune chanson ne porte ce nom comme c’est habituellement le cas. « My time dit pourquoi cet album existe. Maintenant, après 34 ans de carrière, je pense que mon temps est arrivé. Avant, j’étais en construction ». Pour Saintrick, construire sa carrière musicale, c’est comme bâtir sa maison : on commence par les fondations, et lorsque celles-ci sont solides, on élève les murs puis on construit le toit. « Maintenant, il est temps d’entrer dans cette maison. Il faut qu’elle soit belle, accueillante, chaleureuse et familiale. Le temps du partage est arrivé ».

Pour cet « album de la maturité », Saintrick revisite pour la première fois les chansons des artistes qui l’ont marqué. « J’ai eu le temps d’enregistrer un cover Ahé Africa qui reprend Le Bûcheron de Franklin Boukaka et Manu Dibango. Le saxophoniste et chanteur camerounais, précurseur de la world music est décédé en 2020 mais est partout dans cet album. « J’ai eu un lien particulier avec Manu, je l’appelais papa. Pour moi, il est toujours avec nous ».

Ismaël Lô est l’un des autres modèles auxquels Saintrick rend hommage et qu’on retrouve pour un duo dans la chanson Tu sais. « C’est grâce à lui que j’ai appris à jouer de l’harmonica, mon premier instrument. » Un instrument qu’on retrouve tout au long de la chanson, un véritable hymne à l’amour éternel, disent les paroles.

S’il met à l’honneur ses pères spirituels et musicaux, Saintrick n’oublie pas son père biologique. « C’est un album hommage dans lequel il y a une grosse trace de mon père ». Avec Bala Bani, « Mes enfants », en lari, Saintrick s’adresse à ses deux filles mais aussi au Congo tout entier : « Je leur parle d’outre-tombe, nous explique-t-il. Je leur dis : ne vous séparez pas après ma mort. Tout ce que je lègue c’est pour vous mes filles. »

Le jour de la mort de son père, il n’avait que 14 ans. « J’aurais aimé l’entendre me le dire. Il l’aurait dit à toute la famille et on n’aurait pas vécu toute ces souffrances », ajoute-t-il. A ce moment-là, Saintrick est chassé par sa famille paternelle. Issue d’une société matriarcale, il n’a pas pu hériter. « Ce sont les enfants des sœurs de mon père qui sont sensés recevoir son héritage parce qu’ils ont le même sang. Ça sous-entend que les enfants de mon père peuvent ne pas être les siens. Donc on a été déshérité. »

Cette chanson, Saintrick l’a écrite pour penser des plaies mais aussi pour porter ce message aux Congolais. Pour lui, la musique ajoute les ingrédients qu’il faut pour que le message passe. « On le dansera dans les bars mais on l’entendra aussi. Maintenant les gens savent que mon héritage est pour mes enfants ».

La Rédaction

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