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Pour Valérie KA, la mode peut devenir l’un des piliers économiques de l’Afrique

Top model franco-ivoirienne et femme d’affaires, Valérie Ka prépare la IIIe édition du Forum « Share Africa » à Paris, le 7 juillet prochain dédié à la créativité, à l’innovation et à la mode africaines. Un événement très tendance auquel elle se dévoue pleinement, car si elle a trouvé des sponsors en France, il n’en va pas de même sur le Continent…

Franco-ivoirienne, ayant commencé très jeune dans la mode, vous avez défilé pour les plus grands et avez déjà une belle carrière de Top model… Peut-on revenir sur votre parcours ?

Née à Abidjan, j’ai en effet commencé à défiler dès l’âge de 14 ans pour Alphadi, le Magicien du Désert. Dans la foulée, j’ai fait plusieurs tournées dans de nombreux pays d’Afrique comme le Cameroun, le Gabon, etc. Puis j’ai frappé à Paris à la porte de Metropolitan, la célèbre agence qui a découvert Claudia Schiffer… mais j’étais trop jeune ! J’y suis retournée à 16 ans, et ma carrière de Top model s’est enchaînée, avec plusieurs tours du monde. Devenue l’égérie de grandes marques (comme l’Oréal, Black up, Miss Sixty, Diesel ou Wax), j’ai défilé aussi pour de grands créateurs : Yves Saint-Laurent, Jean-Paul Gaultier, Christian Lacroix, Dior !

En Côte d’Ivoire, j’ai travaillé et défilé pour des stylistes reconnus comme Gilles Touré et bien d’autres. Durant ma carrière, j’ai eu la chance de faire les trois styles de mannequinat : lingerie, prêt-à-porter et haute couture. Chantal Thomas a même créé une collection pour moi.

Et aujourd’hui ?

Je suis toujours dans la mode et poursuis bien sûr ma carrière de mannequin. Mais je dois reconnaître que la partie événementielle de « Share Africa » – l’Association créée en 2020 pour mettre en avant les réussites de la jeunesse africaine – me prend énormément de temps. Je ne le regrette pas. « La jeunesse africaine regorge de talents ».

Car vous êtes aussi devenue une femme d’affaires avec plein d’idées en tête et de beaux projets. Qu’est-ce qui vous anime aujourd’hui ?

En 2015, à Hong Kong – où je suis restée trois ans –, j’ai lancé ma propre marque de prêt-à-porter : « Je suis une Ka ». Avec une volonté farouche de réussir. Car la mode est faite pour être portée et, si possible, par le plus grand nombre.

Rentrée à Paris, j’ai eu envie de bousculer les choses, de ne pas me contenter de participer à des défilés, mais de mettre en avant les réussites de la jeunesse africaine qui regorge de talents. C’est ainsi qu’est née l’idée de « Share Africa ».

Et vous voilà déjà à la IIIe édition à Paris du Forum « Share Africa », dont vous êtes la fondatrice…

Nous avons fondé « Share Africa » en 2020 précisément dans ce but et c’est devenu le grand rendez-vous parisien de la créativité, de l’innovation et de la mode africaine. Nos deux premières éditions en 2021 et 2022 ont réuni plus d’un millier d’invités du Tout-Paris. Cette troisième édition se déroulera le vendredi 7 juillet au Musée Quai Branly, qui porte désormais le nom de Jacques Chirac.

Et vous avez prévu d’y inviter de jeunes talents africains de la mode…

Nous avons, en effet, lancé un appel à candidatures et avons reçu du 15 février au 15 avril pas moins de 154 candidatures, en provenance de tous les pays du Continent et bien au-delà, de leurs diasporas aux États-Unis, au Brésil et même à Doha. Notre Jury a eu pour mission de sélectionner à l’arrivée cinq jeunes créateurs qui seront – grâce à nos sponsors – invités à Paris pendant une semaine.

Parmi nos cinq lauréats, il y en a toujours un issu de la diaspora. Ils présenteront leurs collections réalisées pour l’événement et nous assurerons le suivi des projets en partenariat avec de grandes maisons. C’est notre ambition. « Nous sommes toujours à la recherche de partenaires sur le Continent ».

Quels sont vos principaux sponsors et partenaires ?

Parmi nos principaux sponsors, je peux d’ores et déjà citer Balenciaga, HEC, les Galeries Lafayette (où nous ferons la soirée de lancement et de présentation de l’événement le 1er juin), 35°Nord et, bien entendu, Business France Afrique. Sans oublier nos partenaires médias comme But, France Médias Monde, que préside Marie-Christine Saragosse, et Trace TV. Sans oublier AfricaPresse.Paris, évidemment ! Mais nous sommes toujours à la recherche de partenaires africains souhaitant s’engager à nos côtés dans cette belle aventure.

Vous nous préparez aussi une Africa Fashion Up très glamour avec de grands stylistes !

Un grand show clôturera l’événement avec un superbe défilé de jeunes créateurs à découvrir et de stylistes déjà reconnus comme le Camerounais Imane Ayissi, qui est toujours à nos côtés. Les créateurs africains font des choses exceptionnelles, mais manquent bien souvent de formation et de moyens pour percer et être reconnus sur la scène internationale.

Nous voulons donc les accompagner pour qu’ils réussissent, en signant des partenariats avec des grandes marques comme Balenciaga ou les Galeries Lafayette. « Priorité à la formation et à l’accompagnement ».

Ne donnez-vous pas également une grande importance à la formation et à l’accompagnement de ces jeunes talents qui feront l’Afrique de demain ?

C’est parfaitement exact car c’est l’originalité de notre démarche…
En plus des Fashion Show ou Fashion Week classiques que l’on connaît, nous voulons mettre, en effet, l’accent sur la formation et l’accompagnement de ces jeunes créateurs car la mode fait partie des industries créatives qui peuvent être sources d’emplois et de revenus importants sur tout le Continent. C’est notre priorité.

Nous préparons pour nos cinq lauréats, dûment sélectionnés par les représentants de ces grandes marques qui nous accompagnent, un parcours initiatique qui leur permet de rencontrer à Paris des chefs d’entreprise de maisons de luxe qui investissent et ont réussi dans ce secteur.

Pouvez-vous nous en donner quelques exemples ?

Lors des éditions précédentes en 2021 et 2022, Masterclasses et visite des boutiques Balenciaga. Visite du siège social de Kering. Entretien avec le Business & Collection Planning Director de Kenzo Mode.

L’an dernier, nous avions organisé une rencontre à Sciences Po pour que les jeunes étudiants découvrent quelles étaient leurs attentes et quel était le marché du luxe en Afrique. Puis des rencontres avec Binance Charity animées en live par Taylor Benyahi avec certains des créateurs sur le thème « African Creativity and Technology », visite chez Sisley et entretien avec la DGA Christine d’Ornano. Nous voulons ainsi donner à nos lauréats toutes leurs chances de réussir.

Cette nouvelle édition parisienne mettra à l’honneur la jeunesse africaine, mais comment celle-ci peut-elle vraiment s’en sortir ?

C’est bien d’avoir le sens de l’innovation et le goût de la créativité et les jeunes Africains n’en manquent pas. Mais encore faut-il connaître les codes pour bien se former et réussir. Moi, j’ai eu la chance de côtoyer les plus grands dans ce milieu difficile de la mode et c’est cette expérience que je veux leur transmettre. En 2021 et 2022, nous avons eu dix lauréats invités à Paris et dix-huit pays représentés.

Pour cette nouvelle édition, l’objectif est toujours le même : leur offrir un accompagnement complet avec des Masterclass visant à leur fournir les outils et connaissances nécessaires pour développer et pérenniser leurs marques. Ils auront droit à une formation délivrée par HEC Paris et un accompagnement de quatre mois par l’équipe de Balenciaga dans le cadre d’un programme de mentorat organisé par Africa Fashion Up. Et ils profiteront de leur séjour à Paris, qui est une des capitales de la mode avec Milan et Londres, pour découvrir la mode parisienne et internationale.

Voilà du concret ! Quelles autres retombées attendez-vous de cette nouvelle édition pour la jeunesse africaine ?

J’espère que l’on va arriver à asseoir véritablement notre événement dans la durée et à acquérir un peu plus de notoriété et de visibilité internationale grâce aux personnalités qui vont venir et nous soutiennent, comme Elisabeth Moreno, qui a accepté d’être la Présidente du Conseil d’administration de Share Africa.

Mais le plus important à mes yeux, c’est d’arriver à ce que ces jeunes créateurs et nos lauréats puissent devenir chez eux de véritables entrepreneurs. Or tout cela s’apprend : comment créer une entreprise ? Comment développer la vente ? Comment travailler sur la communication de la marque. Autant de choses qui sont importantes pour eux et donc pour l’Afrique, demain, en termes de retombées économiques.

Quels sont les atouts de la jeunesse africaine ?

Ils sont très en avance par rapport à ce que l’on imagine habituellement. Cette nouvelle génération est complètement décomplexée par rapport à l’Occident. Ils en veulent et ont envie de réussir à l’image de Rihanna ou Beyoncé…

Ce que je regrette et qui m’attriste un peu, en revanche, c’est que bien souvent pour ces artistes qui portent des créations africaines, on ignore le nom des créateurs. On n’a pas d’adresses, de lieux, d’images qui correspondent à ces créations. Le premier but de notre Association, c’est de mettre un nom sur toutes ces créations et de leur donner ainsi une visibilité d’excellence internationale.

Contrairement à ce que beaucoup pensent, la mode peut devenir l’un des piliers économiques de l’Afrique. Prenons un homme comme Bernard Arnault, le PDG de LVMH qui est l’une des premières fortunes au monde, il s’intéresse bien évidemment au luxe et à la mode : ce sont des sacs, des chaussures, des accessoires, des bijoux. Avec nos créateurs africains, on pourrait faire quelque chose d’équivalent, j’en suis sûr !

Un dernier mot sur la Côte d’Ivoire, votre pays natal, où vous essayez de retourner régulièrement…

Mon pays a énormément changé. Grâce à de grands travaux d’infrastructures ces dernières années, la Côte d’Ivoire est incontestablement devenue l’un des pays les plus développés et dynamiques d’Afrique. Mais à Abidjan, il faut que les plus hautes autorités comprennent qu’il n’y a pas que l’économie qui compte. Car la culture – avec la mode, le cinéma, les festivals et l’artisanat local – constitue aussi une vitrine de l’excellence d’un pays. Et il faut y mettre les moyens pour que les talents puissent éclore et la jeunesse s’épanouir au pays.

La Rédaction

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